La Sainte-Victoire du lever au coucher du soleil
La vie est bien souvent une course contre le temps. Chaque jour notre quotidien est rythmé par des horaires que nous essayons de respecter. Nous avons tous une quantité de choses à faire, à penser, à prévoir… Au milieu de tout cela il nous reste bien souvent trop de peu de temps pour nous ressourcer.
Je m’étais fixé un objectif depuis 10 mois. Partir sur un trail à la journée, du lever au coucher du soleil. Pour ne rien faire d’autre sur une journée que me retrouver dans la nature, avancer grâce à mon corps et mon esprit, sans être polluée par d’autres choses. L’objectif : 50km et 2000d+. Autant vous dire que le dénivelé positif, mais également négatif, ainsi que le terrain de la Sainte-Victoire « rallonge » considérablement la distance parcourue si on cherche une équivalence sur le plat en termes d’effort et d’énergie dépensée. Pas de formule mathématique magique et surtout précise tant les parcours de trails diffèrent par leurs difficultés et technicités. Cependant la formule du km-effort est souvent utilisée et donne ainsi un aperçu (toujours théorique de l’effort correspondant sur du plat) : km-effort = distance en km + (D+ en mètres/100). On obtient donc 50 + (2000/100) = 70 km-effort. Ce qui correspond approximativement à un trajet (par l’autoroute) d’Aix en Provence à Arles. Pourquoi 50km ? C’est un peu une barrière. La moitié de 100km. Quelques kilomètres de plus qu’un marathon… Un début de l’ultra trail…

De Pourrières au Pic des mouches point culminant de la Sainte-Victoire
Rendez-vous fixé au 6 février 2022. La météo prévue est idéale, du soleil, peu de vent sur une bonne partie de la journée mais qui risque de se lever dans l’après-midi avec de grosses rafales à la tombée de la nuit. Réveil 6h07 (quelques minutes après 6h pour le cerveau). La motivation est là. Petit déjeuner léger mais nourrissant pour tenir la journée qui arrive et qui risque d’être longue et éprouvante. Le corps doit pouvoir tenir et résister à l’effort prolongé. Le matériel est prêt. Je suis chargée. Jamais fait autant de kilomètres, j’ai peur de manquer d’eau et j’ai décidé d’être en autonomie totale là-dessus même si un point d’eau est présent à mi-parcours ainsi que dans l’une des voitures vers le 30ème kilomètre de course avec un petit détour si besoin.
Quelques minutes avant 7h, rendez-vous sur le parking du départ à Pourrières avec mes deux compagnons du jour tout autant motivés que moi. Il fait encore nuit mais le jour ne va pas tarder à se lever et nous avons les lumières de la ville présentes sur le début du parcours. 7h05, démarrage des montres et départ. Le début du parcours démarre par une côte. Pas simple dès le début quand on sait que 50 km nous attendent. Il faut gérer son effort au maximum et rester concentrés. On parle, on rit. On démarre dans la bonne humeur et c’est très agréable. En haut de la montée un peu de plat près du canal de Provence avant de descendre vers la départementale qui mène à Rians que l’on doit traverser pour atteindre le début du sentier qui nous mènera jusqu’à la bifurcation du GR9.
On court tranquillement sur le plat et les descentes, on marche en montée. Aucune difficulté particulière en ce début de parcours. J’avais fait du repérage le mois dernier en faisant l’aller-retour au Pic des mouches pour mieux connaître cette partie du parcours. Cette dernière est très agréable, le sentier ressemble à un chemin dfci, on peut donc courir les uns à côté des autres. Une rêve-partie a dû s’installer non loin de là dans la forêt. La musique bat son plein au milieu de nulle part.



10 km. Ca y est, le soleil est levé, la vue est magnifique. Le décor et le terrain commencent à changer… Le Pic des mouches se rapproche. Un tout petit crochet pour montrer le garagaï de Cagoloup. Le massif de la Sainte-Victoire présente plusieurs garagaïs. Certains en formations, d’autres déjà formés comme ce dernier. La roche calcaire se dissout au fil du temps, des pluies, ainsi que de l’action mécanique des ruissellements. Le garagaï de Cagoloup mesure 15 mètres de diamètre avec une profondeur de 15 mètres également et débouche sur deux puits verticaux de 10 et 25 mètres de profondeur qui conduisent à une grande salle. On est à 966 mètres d’altitude.

9h19. Nous sommes au Pic des mouches, à 1011m d’altitude. Une petite photo souvenir et nous voici partis sur les crêtes en direction de la Croix de Provence. Le chemin est assez technique avec les pierres et les rochers à la verticale qui compliquent les pas et la course. Tiens, un crocus ouvert ! La floraison semble avoir eu lieu tôt cette année.


Du Pic des mouches à la Croix de Provence
On enchaîne les cols et les brèches, la croix et le lac de Bimont se rapprochent. Le paysage avec une vue à 360° est toujours à couper le souffle. D’un côté le Mont Aurélien, le Mont Olympe, la Sainte-Baume, le massif de l’Etoile, le Garlaban. De l’autre les Alpes, le Mont Ventoux… C’est toujours aussi beau. Arrivés sur le Bau des Vespres le paysage semble lunaire.
Petit arrêt pour montrer le « grand garagaï » ou grotte aux hirondelles. Un trou permettant un passage entre la face sud et la face nord de la Sainte-Victoire. Une vue impressionnante de beauté. C’est l’arrivée du sentier noir qui part du parking des Deux Aiguilles. Très abrupt en montée, délicat à la descente.
Nous retrouvons d’autres traileurs du groupe qui faisaient une autre sortie. Nous profitons d’une petite pause à 20 km à la Croix de Provence pour une photo de groupe. Nous en sommes à 4h15 d’efforts. Il faut penser à s’alimenter et s’hydrater régulièrement pour ne pas avoir trop de baisses de régime.





De la croix de Provence au barrage de Bimont
E. nous rejoint pour une partie de notre trail. Les autres redescendent direction les Venturiers. Pour nous, c’est le sentier bleu Imoucha. Très emprunté, très glissant. Nous voilà partis direction le barrage de Bimont pour la moitié du tracé. E. nous redonne une allure, une motivation et un regain d’énergie. On se remet à parler. Une petite chute toute douce pour F. dans les buissons. Un peu plus bas c’est à mon tour. J’ai été distraite par ma montre, ce qui m’a valu un beau plongeon dans la poussière et aujourd’hui de beaux bleus et quelques égratignures. A peine plus d’une heure après la photo à la Croix de Provence nous sommes arrivés à mi-chemin. 25 km. Le barrage de Bimont permet une petite pause. F. fait le plein d’eau. De mon côté le poids de mon sac avec environ 7 kg commence à se faire ressentir. Je sens que mes trapèzes seront douloureux dans les jours à venir après la fin de la sortie. L. commence à avoir des petites douleurs aux genoux. Mais elle enchaîne les kilomètres et a déjà dépassé ceux de sa plus grosse sortie !



Du barrage de Bimont à Pourrières, deuxième partie du tracé
Nous prenons la direction du parc de Roques-Hautes pour pouvoir remonter vers le refuge Cézanne. La course reprend. Puis nous devons de nouveau marcher car une très grosse montée se présente. Les cuisses et les mollets chauffent un peu.
Nous arrivons au refuge Cézanne. Nous disons au revoir à E. qui repart direction la pas du Berger pour ensuite rejoindre le parking des Venturiers. Pour nous, c’est direction le sentier marron. Arrivés à l’oratoire de l’amitié les douleurs aux genoux de L. ne lui permettent pas de continuer. Nous décidons avec F. de l’accompagner jusqu’à sa voiture laissée au parking du Bouquet. Nous revenons donc sur nos pas et faisons un détour. L. aura fait un peu plus de 33 km avec 1500 d+ ! Un grand bravo !



Du parking du Bouquet au refuge de Baudino
Il est 14h30. Nous reprenons le chemin avec F. Petit cafouillage à travers les plantes pour retomber sur le bon sentier. Nous voici de nouveau sur le début du sentier marron que l’on ne quittera pas jusqu’à Saint-Ser. La montée jusqu’à l’oratoire de l’amitié n’est pas simple. J’ai une petite baisse de régime, ça monte, et les cuisses chauffent. Petite descente qui fait du bien en direction de la grotte du Cheyenne mais où il ne faut pas relâcher l’attention car c’est raide et glissant à cause des cailloux.
A partir de là, nous parlons un peu moins. Cela va monter jusqu’à la Marbrière, puis jusqu’au refuge Baudino. C’est un sentier que nous avons déjà emprunté tous les deux plusieurs fois. Néanmoins, la fatigue n’est pas la même et nous prêtons un peu plus attention à nos pas et à certaines portions qui nous semblent ainsi nouvelles. Le mental commence à jouer, nous approchons des 40km. Ma montre n’a plus de batterie… Mince ! Strava ne va même pas prendre en compte mon marathon ! Le chemin me semble si long sur cette portion. Le refuge Baudino semble encore si loin… toujours caché, nous l’apercevons au dernier moment en arrivant dessus. Petite pause pour se couvrir. Je me restaure un peu et range ma frontale afin qu’elle soit accessible pour tout à l’heure. La montée est « terminée » pour le moment avant la toute dernière qui nous attend. L’énergie revient.
Du refuge de Baudino à Puyloubier
Nous attaquons la dernière partie du sentier marron que je n’avais jamais faite jusqu’au départ du sentier qui monte vers le col de Vauvenargues. Ca y est, le sentier marron est terminé ! Nous redescendons le sentier rouge de Saint Ser et arrivons sur la route. Une petite partie route d’environ 2 km nous attends jusqu’à Puyloubier, le soleil commence à se coucher, la luminosité est encore présente pour le moment.
De Puyloubier à Pourrières
On est à Puyloubier, le vent s’est levé depuis un moment. Il ne va pas falloir rater la bifurcation lorsque nous serons sur le GR9. Nous entamons la montée du GR9. J’allume la frontale. Le vent poursuit sa montée avec de grosses rafales. La montée est difficile car le dénivelé est important et le mental mis à rude épreuve. On ne parle plus. La ville éclairée semble très vite toute petite et loin. Les dernières lueurs de la lumière du soleil décline à l’Ouest de la Sainte-Victoire. Je vérifie de temps en temps le tracé pour ne pas rater la bifurcation pour la redescente vers Pourrières. Mais elle est bien visible. Ca y est !! Il faut à présent redescendre vers l’Est. L’énergie revient même si le vent souffle toujours. Cela fait un moment que le chemin ne change pas, petite vérification sur le tracé, ce n’est pas précisément celui que l’on a pris à l’aller. Mais cela ne change pas grand-chose. On rejoint bientôt la dernière partie du sentier.
50 km ! Environ 2800 d+. Je suis tellement heureuse ! Mais il reste encore quelques kilomètres à parcourir. Je ne peux plus courir. Je dis à F. que je préfère terminer en marchant. Je suis en mode automatique. Nous marchons, traversons la départementale… toute dernière montée ! Puis la descente… petit appel aux compagnons de trail qui étaient impatients de connaitre le kilométrage final ! Nous sommes arrivés !!!
Je suis tellement heureuse d’avoir atteint et dépassé mon objectif ! 57,7 km avec 2804 d+… Plus de 13h d’efforts, petites pauses comprises… Du lever au coucher du soleil…


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